Néo Tribalisme Identitaire

Le néotribalisme identitaire désigne la résurgence de formes d’appartenance communautaire fondées sur des identités culturelles, religieuses, ethniques ou idéologiques dans les sociétés contemporaines, souvent en réaction à la mondialisation, à l’individualisme et à l’érosion des structures sociales traditionnelles. Il s’enracine dans les travaux de Michel Maffesoli qui, dès Le Temps des tribus (1988), décrivait une mutation postmoderne où les liens rationnels des sociétés modernes laissent place à des appartenances émotionnelles, esthétiques et affinitaires.[1]

Cette dynamique s’observe particulièrement à l’ère numérique. Les réseaux sociaux facilitent la formation de micro-communautés soudées autour de croyances, d’identités ou de causes. Ce phénomène peut renforcer la solidarité interne mais aussi fragmenter le débat public. Plusieurs études soulignent que les logiques algorithmiques favorisent la polarisation et la formation d’« chambres d’écho »,[2] stimulant un repli identitaire et une défiance envers les institutions traditionnelles.[3]

Sur le plan politique et social, le néo-[[tribalisme]] identitaire s’articule à divers populismes et mouvements contemporains, qu’ils soient d’extrême droite, de gauche radicale ou communautaristes. Ces « tribus » redéfinissent la notion de collectif selon des valeurs « authentiques » perçues comme menacées. Cette dynamique soulève des tensions entre l’universalisme hérité des Lumières et les logiques de reconnaissance des particularismes.[4] Certains chercheurs, comme Mark Lilla ou Francis Fukuyama, y voient un symptôme du déclin du projet civique commun au profit d’identités fragmentées.[5] D’autres, tels que Nancy Fraser, défendent une approche intersectionnelle où la reconnaissance identitaire doit coexister avec la lutte pour la redistribution.[6]

Sur le plan anthropologique, le néo-[[tribalisme]] identitaire peut être compris comme un besoin de reconstituer des liens de proximité et de sens dans une société perçue comme liquide ou déracinée. Cette lecture rejoint les travaux de Zygmunt Bauman sur la « modernité liquide » et l’insécurité ontologique engendrée par la mobilité et l’instabilité contemporaines.[7]

Enfin, plusieurs chercheurs en sociologie numérique et en psychologie sociale analysent la manière dont l’appartenance tribale influence la cognition, en favorisant des biais de confirmation et des perceptions polarisées de la réalité. ==La recherche récente en psychologie politique indique que les individus membres de groupes fortement identitaires sont plus enclins à réinterpréter les faits selon leur appartenance, limitant ainsi la délibération collective.==[8]

L’étude du néo-[[tribalisme]] identitaire invite donc à interroger la tension entre besoin d’appartenance et pluralisme démocratique, entre la valorisation de différences et le maintien d’un espace commun de dialogue.


  1. Michel Maffesoli, Le Temps des tribus. Le déclin de l’individualisme dans les sociétés postmodernes, Méridiens Klincksieck, 1988. ↩︎

  2. Sunstein, C. R. (2017). #Republic: Divided Democracy in the Age of Social Media. Princeton University Press. source ↩︎

  3. Bail, C. A. et al. (2018). “Exposure to opposing views on social media can increase political polarization.” PNAS, 115(37). source ↩︎

  4. Taylor, C. (1994). Multiculturalism: Examining the Politics of Recognition. Princeton University Press. ↩︎

  5. Lilla, M. (2017). The Once and Future Liberal: After Identity Politics. Harper. / Fukuyama, F. (2018). Identity: The Demand for Dignity and the Politics of Resentment. Farrar, Straus and Giroux. ↩︎

  6. Fraser, N. (1995). “From Redistribution to Recognition? Dilemmas of Justice in a ‘Post-Socialist’ Age.” New Left Review, 212. source ↩︎

  7. Bauman, Z. (2000). Liquid Modernity. Polity Press. ↩︎

  8. Kahan, D. (2017). “Misconceptions, M ↩︎